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Crise nord coréenne

Dernière mise à jour : 6 mai 2020

Par A. BEN AMAR, C. BOUCHER, M. COTTEREAU-JOLY, A. DUFAY, R. FORAZ & T. REIX

Les jeux olympiques d’Hiver 2018, qui se sont tenus à Pyeongchang entre le 9 et le 25 février 2018, ont permis d’amorcer une détente dans la crise historique entre la République Populaire Démocratique de Corée (RPDC), la République de Corée et, par extension, les États-Unis d’Amérique.


Comment qualifier l’événement étudié au regard de l’Étude des crises ?


Sur la base du modèle de M. Brecher [1], le phénomène observé s’inscrit dans une phase de désescalade de la crise chronique entre la RPDC, la République de Corée et les États-Unis d’Amérique. Il s’agit d’un événement de nature diplomatique, dans une crise internationale sur fond de question nucléaire. Mais il ne peut toutefois pas être qualifié de crise en lui-même. En l’espèce, les acteurs sont dans des interactions d’accommodation. Une situation similaire s’est déjà présentée le 16 juin 1994 lorsque l’ancien président Jimmy Carter a rencontré Kim Il Sung, diminuant ainsi les tensions, alors que les États-Unis de W.Clinton étaient prêts à entrer en guerre.


L’annonce d’une possible rencontre est soudaine et inattendue pour la communauté internationale. Elle est le fruit d’un travail diplomatique qui s’est déroulé dans un premier temps entre la République de Corée et la RPDC, puis entre la République de Corée et les États-Unis dans un second temps. L’élément de surprise émane de Donald Trump qui a pris la décision d’accepter la rencontre, la première entre deux présidents en exercice, sans en référer à son équipe de conseillers, en particulier le secrétaire d’État Rex Tillerson. Son remplacement par Mike Pompeo, directeur de la CIA, le 13 mars 2018 pourrait s’expliquer par une volonté de renouvellement de l’équipe américaine à l’approche des négociations et par un désaccord manifeste de la conduite adoptée par le président. Par ailleurs, si les procédures diplomatiques standards s’appliquent, l’architecture générale du processus semble inhabituelle. De telles rencontres parachèvent traditionnellement un accord trouvé en amont, mais ne lancent pas des négociations. La sortie de crise est donc encore une perspective lointaine tant que les négociateurs n’ont pas obtenu de réels gains diplomatiques.


Quels éléments ont amorcé la désescalade?


Le point d’inflexion dans les tensions est le discours du Nouvel An de Kim Jong-un, leader Nord-coréen, ouvrant la voie à une reprise du dialogue. Le 9 janvier 2018, la RPDC a exprimé officiellement son intention d’envoyer des athlètes et une délégation de haut rang aux prochains Jeux Olympiques d’hiver de Pyeongchang.


Le 3 janvier 2018, le canal de communication de Panmunjom (« téléphone rouge » entre les deux dirigeants coréens) est rétabli. Le 20 janvier 2018, à l’issue d’une réunion regroupant des membres du Comité international olympique (CIO), des représentants nord et sud-coréens ainsi que des membres du comité d’organisation des JO de Pyeongchang, le président du CIO Thomas Bach annonce que les deux pays de la péninsule Coréenne défileront ensemble lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux d’hiver. Certaines épreuves sur glace seront disputées par une équipe coréenne commune.


Le 5 mars 2018, s’est tenu une rencontre entre la RPDC et la République de Corée. Cette dernière a joué un important rôle de médiateur dans l’optique d’une prochaine rencontre entre Kim Jong-un et Donald Trump. Le 9 mars 2018, celle-ci est annoncée pour mi-mai. Donald Trump a depuis nuancé son discours à propos de son homologue nord-coréen et déclaré « Je pense qu’ils veulent faire la paix. Je pense qu’il est temps.» [2]

En dépit de ces attracteurs, un paramètres accidentel reste la personnalité des deux leaders américain et nord-coréen.


Quels sont les objectifs des acteurs ?


L’objectif général est l’institutionnalisation progressive d’un processus de désescalade afin d’éviter une guerre ouverte. A priori, la RPDC a déjà rempli une partie de ses objectifs puisque cela fait des dizaines d’années qu’elle souhaite une rencontre d’égal à égal avec Washington, ce qui sous-entendrai une reconnaissance de leurs relations diplomatiques.


Objectifs des acteurs





Quels sont les scénarios d’évolution envisageables ?


Nous envisageons plusieurs scénarios d’évolution crédibles ordonnés dans une échelle de probabilité croissante allant de 0 à 10 :


9/10 : Annulation de la rencontre peu avant, probablement venant du côté américain.


9/10 : Dérapage de communication publique de Donald Trump qui relance une phase d’escalade.


8/10 : La rencontre s’organise sur la ligne de démarcation, dans la zone démilitarisée.


7/10 : Envoi d’émissaires à la place des présidents.


6/10 : La République de Corée propose que la rencontre se tienne à Séoul, refusée par le paranoïaque Kim Jong-un.


4/10 : La RPDC propose que la rencontre se tienne à Pyongyang, refusé par Washington.


3/10 : Rencontre, en marge, entre Ivanka Trump, qui tient un important rôle auprès de son père et Kim Yo-jung, sœur du leader nord-coréen et premier membre de la famille Kim à visiter la République de Corée.


1/10 : Rupture de la trêve de Pyeongchang par la RPDC, actuellement prolongée jusqu’à mi-mars.


Si une rencontre entre Kim Jong-un et Donald Trump a effectivement lieu, il pourrait s’agir d’un tournant très important dans la crise nord-coréenne qui dure depuis les années 50. En effet, il s’agirait d’un abaissement historique des tensions permettant aux dirigeants en exercice de négocier réellement pour le futur de la péninsule. Mais il est peu probable qu’il en ressorte des mesures ou des ententes compte tenu des positions difficilement conciliables. Toutefois le symbole est déjà important dans le déroulement de cette crise.


 

1BRECHER Michael, Crises in World Politics. Theory and Reality, New York, Pergamon Press, 1993, p.27.

2« Trump prédit un « immense succès » aux pourparlers avec Pyongyang », article, 11 mars 2018, consulté le 12/03/2018.

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