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Veille hebdo Covid – Vaccination contre le Covid-19 : stratégie, défiance, « lenteur »

Directeur de publication : Thomas MESZAROS

Responsable pédagogique : Fabien DESPINASSE

I. La situation sanitaire internationale


Un an après la découverte du SARS-CoV-2 dans la région chinoise du Hubei, plusieurs centaines de nouveaux cas de contaminations ont été détectés depuis début janvier 2021 dans les provinces autour de Pékin. Les habitants sont ainsi placés en confinement et ne peuvent sortir qu’en cas d’absolue nécessité, la liberté de circuler a été fortement restreinte vers la capitale mais également à l’intérieur même des villes les plus touchées et les écoles ont fermées.

Ce cluster, qui inquiète les autorités du fait de sa proximité de la capitale, est le plus important qu’ait connu la Chine depuis juillet 2020. Depuis fin mars 2020, la Chine s’est isolée du reste du monde. Les vols internationaux ont été réduit de plus de 96% et les rares voyageurs se voient imposés une quarantaine de trois semaines (depuis le 5 janvier 2021) à leur arrivée sur le territoire.

Malgré la situation sanitaire alarmante que connaît le monde depuis mars 2020, la Chine ne semble pas disposée à laisser l’Organisation mondiale de la santé (OMS) enquêter sur l’origine du virus. Le directeur général de l’OMS a déclaré cette semaine que « les responsables chinois n’ont pas encore finalisé les autorisations nécessaires à l’arrivée de l’équipe en Chine ». Pékin se défend en indiquant que le problème n’est « qu’administratif » mais il convient de rappeler que la désignation des dix experts-enquêteurs avait déjà été au centre d’intenses tractations entre Pékin et l’OMS. La Chine avait obtenu de coopter les scientifiques en question et de restreindre leur marge de manœuvre. Les termes de l’accord conclu entre la Chine et l’OMS stipulent ainsi que leur enquête « s’appuiera (…) sur les informations existantes et viendra compléter, plutôt que dupliquer, les efforts en cours ou existants ». Les enquêteurs de l’OMS devront donc se fonder sur des travaux d’ores-et-déjà conduits sous l’égide de Pékin, sans être habilités à reproduire eux-mêmes certaines analyses.

Samedi 9 janvier 2021, le bilan établi par l’Agence France-Presse [1], faisait état de plus de 1,9 million de morts dans le monde dus au Covid-19. L’OMS appelle à plus de vigilance en Europe en raison de la circulation de la nouvelle variante descellée au Royaume-Uni. L’OMS estime ainsi que la nouvelle souche « pourrait progressivement remplacer les autres en circulation à travers la région ». Le Royaume-Uni, pays le plus endeuillé par la pandémie en Europe, fait état d’une nouvelle flambée des contaminations attribuée à un variant plus contagieux [2]. Confiné pour la troisième fois, le pays est face à une certaine saturation des hôpitaux et souhaite, d’ici à mi-février, vacciner 15 millions de personnes vulnérables face au virus.

La Suède, qui s’était distingué en choisissant de ne pas confiner sa population au printemps dernier, fait aujourd’hui état d’une nette détérioration de la situation sanitaire et de la quasi-saturation de ses hôpitaux. Le 8 janvier 2021, le gouvernement suédois a ainsi pris la décision de se doter d’un cadre légal permettant d’adopter de nouvelles restrictions afin de limiter la propagation du virus. En France, le couvre-feu anticipé à 18heures a été étendu à huit nouveaux départements malgré l’opposition de certains élus locaux.

Après avoir autorisé, le 21 décembre 2020, la mise sur le marché du vaccin contre le Covid-19 développé BioNTech et Pfizer, mercredi 6 janvier 2021, l’agence européenne des médicaments (EMA) et la Commission ont donné leur feu vert au vaccin du laboratoire Moderna.


II. Les stratégies vaccinales européennes


En France comme en Europe, la vaccination est considérée comme un axe essentiel de la lutte contre l’épidémie. Les résultats des études des candidats-vaccins démontrent que la vaccination permettrait de réduire significativement les formes graves et la mortalité due au virus [3].

En France, la stratégie de vaccination a été déterminée et mise en œuvre par une multitude d’instances.


Source : Assemblée Nationale / Copyright : Assemblée Nationale / Utilisation non commerciale


Un rapport parlementaire français [4] a ainsi mis en exergue une « gouvernance complexe » caractérisée par une « multitude d’intervenants ». Le gouvernement s’appuie ainsi sur la Haute Autorité de Santé, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, le Haut conseil de la Santé publique qui existaient avant la crise, mais aussi sur des structures dédiées, créées à l’occasion de la crise. Ainsi, depuis le début de la crise, un Conseil scientifique présidé par le professeur Jean-François Delfraissy, un Comité Analyse recherche et expertise, mais aussi plus récemment, un Comité scientifique sur les vaccins Covid-19 et un Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale ont vu le jour.

Ces structures mettent en œuvre et assurent le suivi de la stratégie vaccinale en France. Depuis le 27 décembre 2020, le déploiement de la vaccination se fait progressivement et par palier[5]. Dans un premier temps, sont visées par la campagne de vaccination les personnes âgées en établissements et les personnels qui y travaillent. Depuis le 4 janvier, sont entrés dans le public cible les personnels des secteurs de la santé et du médico-social de 50 ans et plus ainsi que les personnes handicapées hébergées dans des établissements spécialisés. S’ajoutera également le 18 janvier les personnes âgées de 75 ans et plus qui vivent à domicile.

Cette première étape vise à vacciner 1 million de personnes d’ici fin janvier.

Dans un second temps, à partir de fin février-début mars 2021, seront concernées les personnes âgées de 65 à 74 ans avant qu’au printemps 2021, la vaccination soit ouverte à tous.

Afin de faciliter l’accès au vaccin au plus grand nombre, le gouvernement a pris l’initiative d’ouvrir des centres de vaccinations : 300 centres seront ouvert dès le 11 janvier 2021 et 300 supplémentaires seront aptes à ouvrir d’ici la fin du mois de janvier. Cela représentera donc une moyenne de cinq à six centres par département mais cela pourra « évidemment s’adapter à la situation locale et départementale ».

En France, plus de 138 351 personnes [6] ont été vaccinée à ce jour, contre plus de 500 000 en Allemagne [7]. Alors que l’Allemagne subit une vague plus violente que la précédente, la stratégie vaccinale s’approche de celle française. La vaccination a débuté par les EHPAD et s’élargira ensuite aux personnes âgées de plus de 70 ans. Pourtant, le gouvernement allemand n’est lui non plus pas épargné par les critiques pour sa « lenteur ». En Allemagne, les critiques s'intensifient alors que le pays s'apprête à prolonger ses restrictions anti-Covid. Le nombre de doses disponibles est encore trop faible pour que les autorités allemandes accélèrent sa campagne de vaccination et le gouvernement est accusé d’avoir « trop compté sur l’Union européenne » pour s’approvisionner en vaccins.

En France, de nombreuses questions sont soulevées suite à la lenteur « assumée » de la campagne de vaccination. La bureaucratie à la française est à nouveau critiquée. Dès le 27 décembre 2020 et le début de la vaccination, un document de 45 pages visant à s’assurer du consentement des patients avant de pouvoir leur injecter le vaccin a ralenti les processus. Ce document visait également à encadrer dans son intégralité l’acte de vaccination. Emmanuel Macron a d’ailleurs fait part de sa « colère » : « protéger en priorité les aînés dans nos Ehpad, oui. Leur pondre un guide de vaccination incompréhensible de 45 pages, non ».


« La crise sanitaire a mis à nu le caractère inopérant de notre fonction publique. Le pays est doté d’un droit pour les contemplatifs qui n’est pas fait pour atteindre des objectifs précis, et surtout pas pour répondre à l’urgence. Notre droit n’est plus en mesure de sauver des vies ! » Alain Lambert, président du Conseil national d’évaluation des normes.


Toutefois, la « lenteur » du lancement de la campagne de vaccination ne peut seulement être imputée à l’administration. De nombreux scénarios préparant la campagne ont été mis en œuvre dès juillet 2020 [8]. Pourtant, l’absence d’unité d’action politique et institutionnelle semble notable. Henri Bergeron, Olivier Borraz et Patrick Castel s’accordent à dire que les principaux problèmes organisationnels découlent du privilège accordé à la réflexion de la stratégie « sans accorder autant d’importance à la question des moyens de sa mise en œuvre, et (…) à la logistique ». La question de l’anticipation revient donc sur le devant de la scène. Pour Olivier Borraz, « ce sont les réalités du terrain qui obligent à revoir la stratégie ». La question de l’ouverture de centres de vaccination semble avoir été traitées trop tard et le manque d’exercice de simulation peut être à l’origine du retard et des erreurs logistiques connues depuis le 27 décembre 2020.


« A tous les niveaux, on a constaté une forme de réflexivité, qui s’est manifestée par la peur de ne pas bien faire. L’anticipation du regard que portera l’histoire sur ces décisions paraît avoir structuré de nombreuses décisions politiques, administratives et professionnelles. » Henri Bergeron, Sociologue, directeur de recherche au CNRS.

Lors d’une interview, Olivier Véran le Ministre de la santé français a été questionner au sujet de la stratégie vaccinale. Ce dernier affirme : « on a été un peu trop défensif dans la façon d’aborder le vaccin, un peu trop prudent (…) peur de décevoir ». Le Ministre affirme cependant que la « lenteur » du début de la vaccination n’est pas liée à la prudence face aux nombreux « anti-vaccin » français qui restent sceptiques. Le gouvernement dément donc s’être concentré sur la part sceptique de la population à rassurer plutôt que sur la part favorable prête à se faire vacciner. Le Ministre, tout comme Clément Beaune, Secrétaire d'État, chargé des Affaires européennes invité sur Cnews, la stratégie vaccinale française ne repose pas sur un seul vaccin mais sur tous les vaccins sûrs et efficaces qui pourront être mis à disposition de la population. Ainsi, les accès que la France et l’Union européenne ont garanti à au moins six vaccins permettront d’éviter toute pénurie.

La stratégie vaccinale française a également mis en exergue les « carences » en logistique de l’exécutif ainsi que le manque de logique décentralisé dans l’approche de la vaccination. Des élus, comme Anne Hidalgo, la maire de Paris, regrette par exemple que l’exécutif ait fait « appel à des cabinets privés pour réfléchir à la stratégie et à la logistique » plutôt que d’avoir consulté les élus locaux. Gabriel Attal, le porte-parole du gouvernement, a ainsi affirmé que le recours à des cabinets de conseil était récurrent dans la politique française et que cela ne signifiait pas une disqualification des agents de l’État. Mais l’inclusion des élus semblent alors indispensables pour beaucoup, et Gérard Larcher, président du Sénat, affirme qu’il faut « engager un partenariat entre l’État, les collectivités locales et les acteurs de la santé » pour accélérer le rythme des vaccinations. Les présidents de région ont ainsi eux aussi, demandé à l’État de les autoriser à acheter des vaccins afin de « redresser la barre ». Face à la « lenteur » de la campagne de vaccination, ces derniers demandent au gouvernement de « ne pas empêcher les régions qui le souhaitent d’acheter des vaccins et de la mettre à disposition de ces réseaux afin de compléter les dispositifs nationaux ». L’implication des collectivités dans la stratégie vaccinale permettrait ainsi peut-être de contrer la défiance des français face à l’exécutif et donc à la vaccination.

La politique vaccinale française a mis du temps à vraiment débuter, mais à ce jour, le nombre de vaccination quotidien connaît une croissance exponentielle rassurante qui laisse envisager la possibilité du respect du calendrier vaccinal.


 

[1] Agence France-Presse, « Covid-19 : Évolution du nombre de cas et décès », mis à jour quotidiennement, (en ligne). Disponible sur : https://interactive.afp.com/graphics/Covid-19-Evolution-du-nombre-de-cas-et-deces_601/

[2] Centre for mathematical modelling of infectious diseases, . « Estimated transmissibility and severity of novel SARS-CoV-2 Variant of concern 202012/01 in England », le 31 décembre 2020, (en ligne). Disponible sur : https://cmmid.github.io/topics/covid19/uk-novel-variant.html

[3] Pour plus d’informations : Vaccination info service, « COVID-19 », (en ligne). Disponible sur : https://vaccination-info-service.fr/Les-maladies-et-leurs-vaccins/COVID-19

[4] Assemblée nationale, « la stratégie vaccinale contre la Covid-19 », le 15 décembre 2020, (en ligne). Disponible sur : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/ots/l15b3695_rapport-information

[5] Service Public, « Vaccination contre le Covid-19 : quel calendrier ? », le 7 janvier 2021, (en ligne). Disponible sur : https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A14557

[6] Chiffre à jour au 11 janvier 2021 à 21 heures.

[7] Covid Tracker, « VaccinTracker : Combien de français ont été vaccinés contre la Covid19 ? », mis à jour quotidiennement, (en ligne). Disponible sur : https://covidtracker.fr/vaccintracker/

[8] Haute autorité de santé, Communiqué de presse, « Quatre scénarios pour anticiper la stratégie vaccinale contre le COVID-19 », 28 juillet 2020, (en ligne). Disponible sur : https://www.has-sante.fr/jcms/p_3197214/fr/quatre-scenarios-pour-anticiper-la-strategie-vaccinale-contre-le-covid-19#toc_1_1_3

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