Par Cassandra NANIA
Directeur de publication: Thomas MEZSAROS
Responsable pédagogique: Fabien DESPINASSE
“Je souhaite que nous puissions actualiser notre Charte des droits fondamentaux, notamment pour être plus explicites sur la protection de l’environnement”[1] déclarait Emmanuel Macron devant le Parlement européen le 19 janvier 2022. En effet, la PFUE est mue par les problématiques climatiques et écologiques actuelles qui sont essentielles au débat politique de nos jours. La France, à travers sa présidence, a eu l’ambition d’introduire ces questions afin d’y apporter des solutions politiques justes et incluant l’ensemble des Etats membres.
Dès lors, quelles avancées en termes de mesures politiques écologiques ont été permises lors du mandat de la PFUE ?
Ce point de situation est d’autant plus essentiel compte tenu du contexte dans lequel le débat autour des questions écologiques a été introduit au sein du Conseil. En effet, la guerre en Ukraine a profondément modifié les trajectoires de la PFUE durant son mandat. Ainsi, concernant la question écologique, les Etats membres ont surtout œuvré pour une recherche d’indépendance aux énergies fossiles.
Nous traiterons donc tout d’abord de l’indépendance énergétique qui est la priorité des Etats membres. Ensuite, il conviendra de mettre en exergue l’engagement pris lors de la PFUE à propos de la préservation de la biodiversité. Enfin, avant de conclure, nous aborderons le nouvel examen du Paquet “Ajustement à l’objectif 55” qui amorce une décarbonisation de l’Union européenne puis nous analyserons l’efficacité de certaines mesures qu’il contient.
I- L’indépendance énergétique plus qu’une transition énergétique
La guerre en Ukraine a changé les paradigmes concernant la réflexion sur la transition énergétique. Le Sommet exceptionnel tenu à Versailles les 10 et 11 mars dernier a marqué une volonté de réduction de la dépendance énergétique à la Russie par l’achat d'énergie fossiles à d’autres puissances étrangères. Cette direction prise par les Etats membres est marquée par "l'accord d'importation de 15 milliards de mètres cubes de gaz naturel liquéfié supplémentaires entre l’Union européenne et les Etats-Unis dès 2022 et jusqu’à 50 milliards d’ici à 2030, ou par les négociations avec le Qatar” [2]. Ceci devrait permettre de réduire la dépendance au gaz russe de deux tiers et ambitionne de s’en passer totalement d’ici horizon 2030.
Ce projet est permis par le plan RePowerEU présenté par la Commission mais aussi par l’accélération du déploiement des énergies renouvelables discutée dans le cadre de la PFUE. La France se positionne comme un acteur fort en proposant dans une situation de crise, des solutions innovantes. En effet, la crise en Ukraine a eu pour conséquence de renforcer la dépendance énergétique de l’Union Européenne aux hydrocarbures russes. Dès lors, la PFUE a mis en exergue le développement des énergies renouvelables notamment avec l’ajustement à l’objectif 55 permettant la mise en place d’objectifs plus élevés. [3]
II - L’engagement de la PFUE à l’international en faveur de la conservation de la biodiversité
La PFUE s’est engagée dans la conservation de la biodiversité. En effet, la France grâce à son travail de coordination a permis la préparation de la 19 e édition de la CITES qui aura lieu au Panama du 14 au 25 novembre 2022 (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction) [4]. De plus, a eu lieu la 74 e session du Comité Permanent de la CITES à Lyon en vue de la COP19.
Lors des Parties de la CITES, l’ensemble des Etats membres de l’UE portent leur décision ensemble en s'exprimant d’une seule voix. Au cours de la PFUE, 2 sur 13 propositions d'amendement des Annexes de la CITES ont été portées par la France. En effet, une proposition concernait les requins marteaux et trois espèces de concombres de mer.
Aussi, “La France participera activement aux négociations, pour mieux encadrer le commerce international d’espèces sauvages menacées et ainsi garantir leur conservation dans la nature.” [5].
III - La décarbonisation de l’Union européenne, une législation de nouveau examinée
Lorsque la PFUE a opté pour le paquet climat, ce dernier s’avérait être une “transcription législative du Green Deal” [6]. En effet, le pacte vert pour l’Europe ou Green Deal pensé par la Commission européenne en 2019 était présenté comme une “ feuille de route pour rendre l’Europe neutre sur le plan climatique d’ici 2050” [7] auquel s’est ajouté en 2021 le paquet climat pour une transformation de l’ensemble des ambitions climatiques en “ action politique concrète”. [8] Dès lors, le Paquet climat ou Paquet “Ajustement à l’objectif 55” contient des propositions législatives qui ont attrait à la problématique de l’émission des gaz à effet de serre.
Par ailleurs, 4 thématiques ont fait l’objet de réflexions au sein de ce mandat :
- “la fin de vente des véhicules thermiques ;
- des règles commerciales pour protéger l’environnement et les agriculteurs ;
- des règles budgétaires pour investir dans la transition ;
- la réduction de l’usage des pesticides” [9].
Ces réflexions vont permettre tout d’abord une "décarbonisation de l’économie” compte tenu de la fin de la vente de véhicules thermiques. Ensuite, des mesures miroirs vont permettre de sécuriser le marché alimentaire en empêchant des substances néfastes à la santé d’entrer sur le territoire européen.
De plus, le 29 Juin 2022, le Conseil de l’Union européenne a examiné des propositions législatives afférents au Paquet “Ajustement à l’objectif 55” et à un accord entre les Etats membres. Ce dialogue est nécessaire car “la transition écologique et énergétique nécessitera la contribution de tous les secteurs et de tous les États membres” souligne Agnès Pannier-Runacher, ministre française de la transition énergétique [10]. En effet, la PFUE a montré l’ouverture d’un dialogue entre Etats membres et la prise de conscience qu’un dispositif commun était la seule solution envisageable à la mise en place d’une politique communautaire durable, consciente des enjeux climatiques.
A l’issue de ce dialogue impulsé par la présidence française, les Etats membres se sont accordés sur 4 points :
- le système d’échange de quotas d’émission de l’UE ;
- le Fonds social pour le climat ;
- le règlement sur la répartition de l’effort ;
- l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie.
Concernant les échanges de quotas d’émission de l’UE, ils se basent sur un marché concernant les grands groupes industriels émetteurs. Le Conseil a convenu d’un effort allant dans le sens d’une réduction des émissions en supprimant les quotas gratuits pour les secteurs les plus émetteurs et en mettant en exergue les missions du Fonds d’innovation. Également, ce dialogue chapoté par la PFUE a encouragé le Fonds de modernisation en élargissant les ressources monétaires et les Etats membres électeurs. Ainsi, la participation aux fonds est entreprise par davantage d’acteurs géographiques. Dès lors, la PFUE a permis des avancées par l’entente entre les acteurs du Conseil. Il est à noter que toutes les émissions sont concernées par cette réglementation tant les émissions du transport maritime que routier; les quotas gratuits du secteur de l’aviation ayant été supprimés. Néanmoins, le Conseil pour tenir compte des spécificités géographiques et des besoins de chaque Etat a mis en place un système d’échange distinct pour certains secteurs tels que le bâtiment, le transport routier ou encore des systèmes simplifiés pour les petits fournisseurs de carburant.
En outre, la PFUE a soulevé le débat autour de la création d’un fonds social pour le climat. Le Conseil a donc convenu de cela en vue d’aider les publics affectés par la tarification du carbone par la mise au point d’un “plan social pour le climat”. Par un budget de 72,2 milliards d’euros pour la période de 2025-2032, ce plan entend “atténuer les incidences sociales et distributives du nouveau système d’échange de quotas d’émission proposé pour les secteurs du bâtiment et du transport routier” [11].
IV- De nouvelles mesures relativement efficaces
Les Etats membres ont fait le choix de mettre en place des mesures miroirs qui se révèlent être efficaces de manière relative. En effet, “annoncées comme priorité des priorités” par l’ex-ministre de l’agriculture Julien Denormandie, qui s’était mobilisé depuis plusieurs mois sur le sujet, “les mesures miroirs n’ont pas encore trouvé tous les espaces suffisants où se concrétiser dans les textes européens” [12]. Le 22 juin a été publié le règlement sur l’utilisation durable des pesticides ou règlement SUR qui vise à “fixer 50% de réduction de leur usage dans l’Union d’ici à 2030” [13]. Cependant, ce règlement ne comporte pas "d'élément sur la question des importations de denrées agricoles et alimentaires, traitées avec des pesticides interdits en Europe, ni même sur les substances interdites dans l’Union, mais produites sur son territoire pour être exportées…” [14]. En effet, le règlement n’interdit pas “la production, le stockage et l’exportation depuis l’UE de pesticides interdits par la réglementation européenne” [15] et ne durcit pas l’utilisation des pesticides pour l’importation de produits. Les 11 et 12 mai a eu lieu à Paris une conférence ministérielle “Produits chimiques : mieux protéger la santé et l’environnement“ réunissant divers représentants d’organisations, agences européennes et de recherche pour dresser “un état des connaissances sur l’impact des produits chimiques sur la santé humaine et l’environnement” [16]. Malgré cette conférence plébiscitée réunissant des experts sur le sujet et permettant notamment le lancement de l’évaluation des risques liés aux substances chimiques (PARC), il reste à marquer d’effectivité ces diverses mesures.
Le bilan écologique de la PFUE est relativement positif au regard de l’influence de la guerre en Ukraine marquant un détournement du projet initial qu’est la transition énergétique pour une indépendance de l’Union européenne des énergies russes. Nonobstant cela, des mesures fortes ont été prises comme le Paquet “Ajustement à l’objectif 55”.
Néanmoins, selon certains experts, “Malgré un calendrier propice aux débats et aux initiatives” [17], l’écologie a été passée au second plan de la PFUE. En outre, présentée au sein du programme de la PFUE, “le sujet est enfoui, jamais formellement inscrit comme la priorité de notre époque”. [18] En effet, sous couvert du contexte économique défavorable qu’est la guerre en Ukraine, la France a, au regard de la PAC, reculé sur certains points. Elle “a ainsi cédé au chant des sirènes des agro-industriels qui, sous prétexte de la guerre en Ukraine, ont visé à détricoter pas à pas certaines mesures environnementales comme sur les jachères” [19].
Enfin, reste à savoir si la République Tchèque, nouvelle présidente de l’Union européenne, continuera dans la lancée impulsée par la France. Annonçant un programme environnemental dit de continuité, la République Tchèque a résumé son action par la devise : « L’Europe comme mission » pour une mission tripartite c’est-à-dire repenser, reconstruire et renforcer l’Europe. Le pays a alors annoncé que la sécurité énergétique était un des points forts de sa présidence. En effet, la dépendance aux énergies russes, le nucléaire comme sécurité énergétique européenne ainsi que la mise en place effective des objectifs climatiques de l’Union Européenne sont des missions prioritaires affichées de la présidence. [20]
[1] CLEVENOT Emmanuel, “ La France quitte la présidence de l’UE, forte du paquet climat”, Reporterre, 04/07/2022 https://reporterre.net/La-France-quitte-la-presidence-de-l-UE-forte-du-paquet-climat [2] Auteur inconnu, “ Trois mois après le début de la Présidence Française du conseil de l’Union Européenne, quel bilan pour le climat ? ”, réseau action climat France, 07/04/2022, https://reseauactionclimat.org/trois-mois-apres-le-debut-de-la-presidence-francaise-du-conseil-de-lunion-europeenne-quel-bilan-pour-le-climat/ [3] Auteur inconnu, “PFUE- Ajustement à l’objectif 55 : le Conseil approuve des objectifs plus élevés en matière d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique”, Gouvernement, 27/06/2022, PFUE - Conseil énergie 27/06 | Ministères Écologie Énergie Territoires (ecologie.gouv.fr) [4]Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires et Ministère de la Transition énergétique, “PFUE : un engagement fort pour encadrer le commerce d’espèces sauvages”, Gouvernement, 22/07/2022, Bilan des avancées CITES pendant la PFUE | Ministères Écologie Énergie Territoires (ecologie.gouv.fr) [5] Ibid, [6] BEAUJON Agathe, “Fin de la présidence française de l’UE : quel bilan pour le climat ?” Challenge, 01/07/2022, https://www.challenges.fr/entreprise/environnement/fin-de-la-presidence-francaise-de-l-ue-quel-bilan-pour-le-climat_819420 [7] Auteur inconnu, “Pacte vert et paquet climat : l’UE vise la neutralité carbone dès 2050, 2050”, Vie publique, 26/98/2022, Pacte vert et paquet climat : l'UE vise la neutralité carbone dès 2050 | vie-publique.fr [8] Ibid, [9] Auteur inconnu, “Présidence française de l’UE : la FNH dresse son bilan”, Fondation pour la nature et l’Homme, 29/06/2022, https://www.fnh.org/bilan-de-la-pfue-des-avancees-majeures-a-larrachee-un-manque-de-concretisation-et-des-reculs-en-vue/ [10] Auteur inconnu, “ Ajustement à l’objectif 55 : le Conseil adopte des orientations générales relatives aux réductions d’émissions et à leur impact social”,UE France22, 29/06/2022, https://presidence-francaise.consilium.europa.eu/fr/actualites/ajustement-a-l-objectif-55-le-conseil-adopte-des-orientations-generales-relatives-aux-reductions-d-emissions-et-a-leur-impact-social/ [11] Auteur inconnu, “ Ajustement à l’objectif 55”, Conseil européen, 30/06/2022, "Ajustement à l'objectif 55" - Le plan de l'UE pour une transition écologique - Consilium (europa.eu) [12]Auteur inconnu, Op.Cit https://www.fnh.org/bilan-de-la-pfue-des-avancees-majeures-a-larrachee-un-manque-de-concretisation-et-des-reculs-en-vue/ [13] Auteur inconnu, “Les incohérences du règlement UE sur l’utilisation durable des pesticides”, Fondation pour la nature et l’Homme, 23/06/2022, https://www.fnh.org/les-incoherences-du-reglement-ue-sur-lutilisation-durable-des-pesticides/ [14] Ibid, [15] Ibid, [16] BLOEDT Alain, “La Présidence française de l’Union européenne, un nouveau rendez-vous manqué sur le climat ?”, Le Journal du Dimanche, 06/06/2022, https://www.lejdd.fr/International/la-presidence-francaise-de-lunion-europeenne-un-nouveau-rendez-vous-manque-sur-le-climat-4115929 [17] Ibid, [18]Ibid, [19] Auteur incconu, Op.Cit, [20]Auteur inconnu, « Présidence tchèque du Conseil de l’Union européenne », Vie publique, 30/06/2022 Présidence tchèque du Conseil de l'Union européenne | vie-publique.fr
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